
9 juil. 2025
Garantie de représentation : condition essentielle à l’assignation à résidence en alternative à la rétention administrative

9 juil. 2025
Garantie de représentation : condition essentielle à l’assignation à résidence en alternative à la rétention administrative
Le 27 juin 2024, notre client, ressortissant étranger en situation irrégulière, a été interpellé lors d’un contrôle d’identité de routine à Paris. À cette occasion, les forces de l’ordre ont constaté qu’il faisait l’objet d’une OQTF, prise par la Préfecture le 19 décembre 2023 et considérée notifiée le 7 janvier 2024. Bien que le requérant n'ait jamais reçu la mesure d'éloignement, celle-ci reste exécutoire. En raison de cette mesure administrative restée inexécutée, notre client a immédiatement été placé en centre de rétention administrative (CRA), dans l’attente de son éloignement du territoire.
Le placement en rétention repose sur l’article L. 741-1 du CESEDA, qui permet aux autorités préfectorales de retenir un étranger faisant l’objet d’une OQTF lorsqu’il existe un risque de fuite :
L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Dans cette affaire, la préfecture a rapidement sollicité le juge des libertés et de la détention (JLD) afin d’obtenir la prolongation de la rétention pour une durée de 26 jours, estimant que le risque d’éloignement effectif nécessitait un maintien en privation de liberté.
Le JLD a accédé à cette demande. Il a fondé sa décision sur deux éléments : l'absence de passeport original au moment de l’audience, et une présumée absence de garantie de représentation, en raison d’une discordance entre l’adresse déclarée comme domicile et celle figurant sur les bulletins de salaire produits par l’étranger.
Ces règles sont posées par l'article 743-13 du CESEDA :
Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Autrement dit, le juge a estimé que notre client ne remplissait pas ces conditions et n’était pas localisable de manière fiable, ce qui justifiait selon lui une prolongation de la mesure de rétention.
Demande de mainlevée rejetée malgré la remise du passeport et les justificatifs produits
Dès le lendemain de l’audience devant le JLD, notre client a spontanément transmis son passeport aux services de police contre un récépissé de remise d'une pièce d'identité. Il a également sollicité, en toute bonne foi, la mainlevée de la mesure privative de liberté, considérant que les éléments exigés étaient désormais réunis et conformément à l'article L742-8 du CESEDA :
Hors des audiences de prolongation de la rétention prévues au présent chapitre, l'étranger peut demander qu'il soit mis fin à sa rétention en saisissant le magistrat du siège du tribunal judiciaire. La décision de maintien en rétention d'un demandeur d'asile prévue à l'article L. 754-3 ne peut toutefois être contestée que devant le juge administratif.
Cette requête a été examinée deux jours plus tard lors d’une nouvelle audience devant le JLD.
Malgré les pièces produites, le juge a tout de même refusé de revenir sur sa décision initiale, retenant une nouvelle fois l’absence de garanties de représentation.
Cette approche particulièrement sévère illustre une dérive inquiétante dans l’interprétation des conditions de représentation.
En droit, une garantie de représentation vise à s’assurer que l’étranger sera présent et disponible pour les démarches à venir, en particulier l’exécution de l’OQTF ou l’éventuelle mise en œuvre d’un recours.
Or, dans ce dossier, notre client avait non seulement une adresse fixe mais aussi un bail de location, des quittances de loyer, des factures d'électricité et des fiches de paie attestant d’une insertion sociale et d’un ancrage territorial réel.
La discordance d’adresse s’expliquait par une erreur de son employeur, qui n’avait pas actualisé les coordonnées sur ses fiches de salaire. Ce détail qui n'incombe nullement à notre client ne saurait, à lui seul, justifier le maintien d’un homme en détention.
Infirmation par la cour d’appel et libération avec assignation à résidence
Face à cette injustice manifeste, nous avons interjeté appel de l’ordonnance du JLD devant la cour d’appel, en apportant une argumentation solide et étayée.
À l’audience, Maître DAGLI a rappelé les principes fondamentaux du droit des étrangers : la rétention doit toujours demeurer une mesure exceptionnelle, justifiée par des éléments précis et individualisés et que la liberté est la règle.
Nous avons démontré que notre client disposait bel et bien d’une adresse fixe, d’un contrat de location en cours, et qu’il s’était toujours montré coopératif, y compris en remettant de lui-même son passeport aux forces de l’ordre.
La Cour d’appel nous a donné raison. Le juge a estimé que le bail et les quittances de loyer constituaient des pièces de valeur probante suffisantes pour établir une garantie de représentation effective.
Il a par ailleurs jugé que la discordance d’adresse sur les bulletins de salaire était inopérante, dans la mesure où elle n’avait pas été causée par une volonté de dissimulation, mais par une négligence extérieure.
La décision du premier juge a donc été infirmée, et la libération immédiate de mon client a été ordonnée, sous assignation à résidence.

Cette décision vient rappeler que les droits des personnes étrangères doivent être respectés dans toute leur rigueur. La privation de liberté ne peut jamais être banalisée ou fondée sur des approximations.
Il est essentiel de contester les décisions disproportionnées, d’autant plus lorsque les éléments du dossier permettent de démontrer une volonté de régularité et de coopération.
Le droit des étrangers est une matière complexe et souvent sujette à des décisions rapides et injustes. Avec diligence et détermination, il est néanmoins possible de faire prévaloir le droit et la liberté.
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